Il
ne se passe plus un jour sans que l’on se päme devant les micracles
de la technologie informatique, surtout à Maurice. L’ouverture de
la conférence du Commonwealth Business Council sur les télécommunications
en Afrique coincidant avec la tenue au Japon du Sommet du G8 (les
8 plus puissants pays de la planète), en tendant un peu l’oreille,
l’on a pu écouter les louanges de nos décideurs économiques sur
les bienfaits quasi miraculeux de l’E-Bidule (Clin d’oeil à Karl).
Que ce soit Bill Clinton ou Navin Ramgoolam, les télécommunications
et Internet sont en train de changer notre manière de vivre, Soit!
Mais on est encore loin des réalités du commun des africains (pour
peu qu’on s’interesse à eux). Oui! L’Afrique est en retard sur le
reste du monde en matière de communications, mais n’allez pas nous
dire que refiler un téléphone portable et un i-mac à chaque petit
africain au ventre ballonant va lui faire retrouver le sourire.
On se trompe de cible et de solution. L’Afrique n’a pas besoin de
ça, surtout pas maintenant. Alors que les guerres font encore rage
sur une grande partie du continent, alors que des centaines de milliers
de personnes ne savent toujours pas quand elles rentreront chez
elles et qu’un cinquième de la population mondiale ne mangera pas
à sa fin ce soir, qui a encore l’audace de déclarer que le fossé
entre riches et pauvres ne fait que s’élargir, ça on le savait depuis
bien longtemps et c’est pas le commerce électronique ni Internet
qui va changer les choses. Donnez leur à bouffer, trouvez une solution
rapide et pas chère au grave problême du Sida qui tue des millions
d’africains, mettez fin à ces guerres interminables alimentées par
d’interminables tensions éthniques et soutenues par des puissances
étrangères et cessez de jouer aux hypocrites. L’Afrique n’en a plus
besoin.
...
E-conneries
La
recette était simple: prenez des jeunots informaticiens fraîchement
sortis de l’université, dopez les au Coca-cola et aux pizzas pas
frais, faites les pondre une idée, attachez-y le préfix cyber, "i"
ou "e" et le suffixe COM et balancez sur internet et sur
le marché de la bourse (NASDAQ ou DOW JONES) durant une IPO. Voilà
la recette pour se faire des c... en or. La nouvelle économie, c’est
ça, ou du moins, ça y ressemblait fort il y a quelque temps de cela
avant que la bourse technologique de NASDAQ prenne un grand coup
de froid et que la valeur des actions technologiques fonde comme
neige au soleil. D’un coup, d’un seul, des milliards de dollars
(virtuels certes, mais des dollars quant même), se sont envolés
et les investisseurs (Les fameux Business Angels) se sont souvenus
des rudimentaires de l’ancienne économie dite Mortar and Pestle.
Pour reussir, une entreprise doit penser au long terme, elle doit
avoir des assises solides, un excellent business plan et une vision
de croissance. Cela s’appliquait aux entreprises réelles, cela s’applique
aussi donc aux entreprises de la nouvelle économie. Que la bulle
ait explosée n’aura étonné personne, à force de faire des promesses
non tenues, les start-ups liées à l’internet jouaient avec le feu.
De primeabord, il faut distinguer 2 catégories de start-ups internet.
Celles qui innovent et celles qui suivent: Les premières tenant
plus souvent la route que les suivantes. Amazon.com, QXL, Ebay,
Yahoo, Lycos font partie des premières. Si elles reussissent, c’est
bien parcequ’avant tout, elles ont les pionnières dans leurs catégories
respectives: Amazon dans la vente de livre via Internet, QXL et
E-bay dans la vente aux enchères, Yahoo en tant que directoires
et Lycos comme moteur de recherche. Néanmoins, il faut rappeler
qu’Amazon n’est pas à l’abri d’une faillite proche étant déficitaire
depuis le début et endettée jusqu’à la dernière page, les chiffres
parlent d’eux mêmes. Depuis 1997, la compagnie a recu près de 74
Mds de roupies en terme d’argent tandis que ces revenues pour la
même période se chiffraient à 76.5 Mds de Roupies. En plus simple,
chaque roupie d’investie dans la compagnie rapporte 3 sous de plus
en terme de vente (pas en terme de profit!!!) D’après l’analyste
Ravi Suria, Amazon risque d’être à court d’argent d’içi mars 2001.
Alors pourquoi Amazon et pas les autres? Cinq raisons à cela, primo,
Amazon s’attaque à plus grand que lui. Dès le début de l’épisode
Amazon, Barnes et Noble, l’un des magnats de l’édition lançait la
contre-offensive avec une version online de sa librairie et à coups
de discounts forçait Amazon a baisser les prix et à rogner ses profits.
Deuxio, le management d’Amazon, médiocre selon les spécialistes,
et paradoxalement la croissance exponentielle de ses ventes n’y
ont rien arrangé. En une année, Amazon a dû désurfer, rentrant du
rang de Vendeur Virtuel à celui de Vendeur Réel. Tertio, Amazon
a fait du neuf avec du vieux. Vendre des livres sur internet était
une idée intéressante mais qui ne pourra survivre face aux géants
du domaine, Quatrième raison, Amazon vend du concret qu’elle achête
comptant et non pas des services (regardez la liste pour vous convaicre),
donc les dettes ne pouvaient que s’accumuler. Cinquième raison,
Amazon a commis l’erreur de mettre tous ces oeufs dans un seul panier.
...E-Mirage
Le
commerce électronique est donc réellement lancée à Maurice. Je suis
curieux de savoir combien de personne ont réellement fait leurs
courses dans sur ces sites online que sont V-Street et Myeldo. Aux
dernières nouvelles, le commerce traditionel marche toujours aussi
bien. Non, je ne fais pas une chasse aux sorcières mais il faut
savoir déjà que Myeldo a investi plus de Rs 1.5 millions et ne s’attend
pas à faire de profit avant quelque temps. Les mauriciens aux derniers
dires sont toujours aussi frileux quant à donner leur code de carte
de crédit à autrui. Non et non, au risque de paraítre un tantinet
anti-conformiste, je ne crois pas que Maurice est prêt pour l’ère
du e-commerce. Le marché est trop petit et saturé et les distances
insuffisantes pour lancer ce genre d’opération. En Europe, aux états-unis,
en Australie, où les distances se comptent en centaines de kilomètres,
l’émergence d’un commerce électronique est légitime. N’oublions
pas que commerce électronique n’équivaut pas à "site Internet
flashé et javascripté (les connaisseurs comprendront..)", l’ETB
(Electronic Transaction Bill) changera peut-être les lois mais pas
les mentalités. Le commerce électronique ne se limite pas aux transferts
d’argent. Les entreprises mauriciennes qui utilisent le net comme
un outil de vente sont peu nombreuses, beaucoup l’utilisent pour
la messagerie electronique et pour communiquer avec le monde exterieur
et bien peu ont leur site web, veritable vitrine de communication
entre l’entreprise et le monde extérieur. Et ce n’est certainement
pas Servihoo qui lancera Le Commerce Electronique comme l’a dit
Neermal Saddul, DG de Telecom Plus, encore moins si MT continuer
de fournir à ses utilisateurs des postes téléphoniques à base de
technologie WLL qui ne peuvent avoir accès à l’Internet. La manière
de faire de MT me laisse quand même pantois! Selon Neermal Saddul,
Le WLL sera donné à quelqu’un qui n’est pas intéressé à se connecter.
Donc il faudra trouver 50,000 clients qui ne seront pas interessés
à se connecter à L’Internet et leur refiler une technologie qui
semble déjà désuette. Quant au gouvernement mauricien, il faudra
bien qu’il se mette en tête que nous avons déjà perdu la bataille,
reste à trouver une stratégie pour réussir un miracle comparable
à celui de l’Irelande, sinon nous risquons fort de nous faire bouffer
crus par un chômage qui aura vite fait de digérer ces jeunes qui
ignorent tout des périodes sombres des années 80.
...E-Mploi
Trac-mail,
Bowman Sports, MNS, DCL et les autres. Il faut saluer ces compagnies
privées pour la création de centaines d’emplois comme télé-opérateurs
dans le domaine de l’informatique. Justement, rappelez vous des
dires du Ministre Lallah sur le besoin pressant de 2900 "Degree
& diploma Holders" avant l’an 2001 (Summary Report MNITSP
1998-2005), que vont-ils devenir? Et quid des 1600 autres qui vont
le rejoindre avant 2005, y aura-t-il de l’emploi pour eux, d’autant
plus que personne ne souhaitent étudier pentant 4 ans, sortir avec
un diplôme en informatique pour ensuite travailler comme téléphoniste
dans un centre d’appel (sans pour autant diminuer la valeur du poste)
et ensuite entendre dire que c’est ça l’industrie de l’informatique
à Maurice. Et que dire des 2 Mds de Roupies de recette provenant
de l’exportation de logiciels et autres services informatique que
le gouvernement Mauricien attend d’içi 5 ans. Si les multinationales
viennent à Maurice, ce n’est pas pour investir dans l’avenir de
cette génération là mais bien pour vendre leurs produits, l’exemple
le plus criant étant bien sûr, Microsoft. L’émergence d’une "Software
Industry" n’est pas pour demain ni même pour après demain,
nos programmeurs étant pour la plupart… des suiveurs. Pour esperer
survivre dans un environnement hyper competitif, une bonne dose
de créativité et un sens aigu de l’entreprenariat sont vitaux. Voyons
les exemples qui nous sont offerts: Linux, Napster, Mirc, ICQ. A
la base, un ou des jeunes, une idee géniale et à l’arrivée, quelques
dizaines de millions d’adeptes et une place dans le panthéon du
paradis des informaticiens.
E-Culture
Quant
à une culture de l’informatique à Maurice, ce n’est certainement
pas en distribuant 800 ordinateurs (des célérons 466 qui sont "obsolètes"
et/ou cassés dans un an) ou en installant l’internet dans toutes
les institutions éducatifs que nous arriveront à leur inculquer
ladite culture. Ces 24 millions de roupies là (à quelques millions
près) auraient pu servir à propager cette culture autrement. Prenons
comme exemple Singapour où culture informatique n’est pas
expression vaine: on y mange informatique, on y apprend informatique
et on y vit informatique. On ne peut plus, içi, parler de banalisation
car on ne banalise pas un style de vie, on banalise un outil et
l’informatique n’est plus un outil une fois qu’il a englobé la communication
- on reparlera d’internet plus bas, le gouvernement singapourien
aura été bien plus prévoyant que le notre, l’informatique ayant
été pou eux un axe centrale de leur développement économique. La
culture informatique doit s’apprendre très tôt depuis la maternelle
avec l’aide des parents, je parle içi de "devoir" étant
persuadé de la menace qui pèsera à l’avenir sur une société mauricienne
dôtée des outils de l’information mais dépourvue de toute culture
informatique basique. Car on parle bien içi d’information... Quelqu’un
pourrait-il me dire dire ce qu’il est advenu de Click!, troisième
magazine mauricien consacré à l’informatique après Gigabyte et What’s
On? Diriger votre curseur sur pour voir que ce magazine semble s’être
arrêter il y a 10 mois maintenant. Ce magazine a-t-il vraiment disparu?
La traversée du desert pour la culture informatique mauricienne
se poursuivra-t-elle encore longtemps? Au risque de déplaire, je
m’avance à dire qu’il n’y a tout simplement pas de culture informatique
mauricienne. Une preuve? Nommez moi un site mauricien à but non
lucratif dédié à l’informatique et qui soit tenu par un particulier
ou par un groupe d’individus. Un rapide coup d’oeil vers www.servihoo.com
ne revèle absolument rien mis à part les 3 pages de compagnies informatiques.
I-nvestissements
Une
information, passée inaperçue dans la presse locale, donne à réfléchir
sur l’avenir d’une improbable industrie de l’informatique à Maurice.
La dite information est le lancement d’une "mégafab" de
52 Mds de Roupies par Intel en Irelande du Nord. Une mégafab n’est
autre qu’une usine à fabriquer des Microprocesseurs, le cerveau
même de nos ordinateurs. En quoi cela nous concerne? L’Irelande
du Nord est passée en quelques années d’un état au bord de la faillite
et au ban de la communauté européenne en une réussite qui fait d’elle
le premier exportateur de logiciels mondiale et l’un des acteurs
principaux de l’univers de l’informatique à un point tel que nombre
d’Irelandais qui, comme leurs aileuls, sont partis vers d’autres
horizons reviennent chez eux. La raison principale de ce miracle
tient avant tout d’une réelle volonté de leur gouvernement de faire
de l’Irelande du Nord la tête de pont des investissements informatiques
Anglo-Saxons vers l’Europe. L’île Maurice a-t-elle les moyens de
réaliser ce hold-up à la barbe de ces concurrents en se métamorphosants
en tête de pont des investissements informatiques asiatiques en
Afrique? La partie risque d’être très dur d’autant que nous avons
non seulement des adversaires coriaces mais l’on peut aussi compter
sur une certaine inertie de l’appareil d’état.
L’analyse
du budget 2000/2001 du present gouvernement ne dévoile aucun plan
pour donner un coup de fouet à cette industrie en perte de vitesse:
Les avantages fiscaux sont destinés avant tout aux compagnies opérant
dans le domaine des telecommunications et de l’internet et plus
précisément les "Call Centres". Ces derniers servent de
relais entre les clients et la compagnie mère et sont fournisseurs
de services divers via téléphone: L’un des plus célèbres, la société
Bowman, travaille dans le domaine des paris sportifs et offre ses
prestations à ses clients aux Etats-Unis et au Canada. En revanche,
rien sur le complexe destiné au secteur informatique dans le nord
de l’île et qui verra le jour dans une avenir qui semble de plus
en plus lointain. rien non plus pour attirer d’éventuels investisseurs
vers Maurice, aucun road-show (Si ce n’est Infotech.. Mais ça c’est
une autre histoire). Dois-je encore une fois rappeler les dires
de M. Ravaux, "Development Manager" pour la région Océan
indien qui déclarait à un de vos confrères que sa compagnie n’avait
nullement l’intention d’embaucher des gradués locaux comme programmeurs.
Pourquoi? Je vous laisse deviner la réponse.
Nous
avons déjà raté le train de l’internet au niveau international,
ce n’est pas en multipliant les accès à l’internet que nous pourrons
créer des emplois et encore moins en maintenant en place un monopole
qui risque de mettre en péril un pan entier de notre economie, le
secteur des services; tout le monde s’accorde à dire que les tarifs
pratiqués par MT sont exhorbitants surtout si l’on tient compte
de l’éclosion de Fournisseur d’accès gratuits (FreeBee, Liberty
Surf) qui ont radicalement changé la physionomie du marché européen.
Ce present budget ne fait qu’accentuer cette impression de malaise.
On constate une baisse des tarifs d’internet de 20% mais qui ne
sera benefique qu’à ceux qui n’ont pas de "Packages",
c’est à dire les utilisateurs "légers". En passant, je
me demande si les ordinateurs gracieusement offerts aux centres
communautaires et autres institutions éducatifs, au frais du contribuables
utilisent des "Packages" pour accéder à l’internet, le
présent budget leur a peut-être fait économiser 20% de leur dépense:-)
E-Pilogue
Le
mot de la fin sera en forme d’une anecdote. Lors de ma visite chez
un de mes amis, je fus surpris de voir fonctionner un logiciel de
lecture MP3 tout nouveau et somme toute bien conçu. En le refermant,
je fus stupéfait de voir l’origine du produit: les îles Maldives,
qui sont plus reconnues pour leurs plages que pour leurs talentueux
programmateurs. Si eux peuvent le faire, pourquoi pas nous? A une
prochaine fois pour des lignes sur AOL, Microsoft, Intel et les
autres.